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16 juin 2022

5 min

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Baisse de liquidité dans l’univers des startups : L’avis de notre CEO

“La fête est finie”, “le vent est en train de tourner”, “fermez les robinets”... En ce moment, pas une seule journée ne s’écoule sans que notre feed LinkedIn soit empli de posts sur la problématique de la baisse de liquidité dans l’univers des startups. Mais alors, qu’en pense notre CEO Jean de Rauglaudre alors que Collective prévoit une prochaine levée en 2023 ? C’est ce qu’il nous partage dans ce nouvel épisode d’Inside Collective.

Le contexte financier n’avait jamais été aussi porteur et expansif… ça frisait même l’irrationnel ! La vapeur s’est soudainement inversée - Jean de Rauglaudre

On a beau vouloir s’en affranchir, les lois du marché ont souvent le dernier mot. Lorsque nous avons lancé Collective avec Vianney et Paul, nous ne nous soucions pas vraiment du contexte financier. En réalité, nous avons même su tirer parti d’une conjoncture particulièrement favorable (pour ne pas dire exceptionnelle) en fin d’année 2021, au moment de notre levée de fonds. 

A ce moment-là, il fallait faire les beaux yeux aux journalistes pour annoncer son tour de table parmi un arsenal de levées records (Payfit, Alan, Backmarket, Qonto,…). De nouvelles licornes venaient au monde chaque semaine. 

Mais voilà qu’en quelques mois, l’enthousiasme s’est étiolé et a cédé la place à un climat de peur. Nous sommes entrés dans un tech crash.

On rembobine le fil

Le monde de la tech a connu de belles heures de gloire au cours des trois dernières années. J’ai personnellement lancé Collective, quand une dizaine d’amis autour de moi accouchaient aussi de leur startup. Vu de l’extérieur, cela donnait l’impression d’une facilité déconcertante. Une idée, quelques slides, un embryon d’équipe… semblaient suffire à rassembler ce qu’une startup levait en Série A il y a quelques années. Cette incessante effervescence reposait sur ce diptyque : nouvelles ruptures et opportunités ; nouvelles sources de financement.

La blockchain, le remote work, la crise sanitaire… ont fait naître de nouvelles ruptures technologiques, offrant aux investisseurs de bonnes perspectives de rendement, avec des trajectoire de croissance particulièrement rapides. Des entreprises comme Deel (ci-dessous), ont pu atteindre des valorisations de + de 12 milliards $ en moins de 3 ans.

De manière corrélative, le monde de l’investissement s’est montré particulièrement foisonnant. Beaucoup de fonds se sont créés ou étendus. Des nouveaux profils d’investisseurs se sont aussi développés (les club-deals, les super angels, le crowdequity). Le monde de l’investissement s’est rapidement globalisé et affranchi des frontières. La France en a particulièrement bénéficié, en ouvrant ses portes à de nombreux investisseurs anglo-saxons, faisant naître 25 licornes au cours des quatre dernières années.

En résultante, les startups et scale-up ont connu des vents particulièrement favorables, s’octroyer de bons financements, embaucher à des bons niveaux de salaire. Cette situation fertile a commencé à s’accompagner de pratiques risquées voire presque irrationnelles, comme des offres d’emploi en quelques heures, des plans d’embauche très agressifs (Ankorstore qui est passé de 50 à 400 collaborateurs en moins d’un an), des cycles de financement de plus en plus courts, des valorisations de plus en plus hautes… jusqu’à ce la musique s’arrête !

Des facteurs exogènes (conflit en Ukraine, effondrement de certaines classes d’actifs technologiques notamment liés à la blockchain, politique monétaire restrictive) se sont combinés, dans un climat économique inflationniste. Dans le même temps, la remontée des taux d’intérêt a offert une alternative aux investissements “risqués” du ventures capital.

Les ingrédients d’une récession étaient alors réunis : situation financière freinée, climat sceptique, réduction des dépenses, des embauches… et quand la peur s’installe, tout le monde appuie sur le frein.

Ce que j’ai compris de la situation ?

Qu’il devenait beaucoup plus important de se projeter sur un horizon de rentabilité. J’ai assez vite réalisé que les fonds, candidats, clients… seraient de plus en plus sensibles à notre capacité à devenir rentables. Ce renversement a été perçu comme un signal que les levées de fonds ne suffiraient plus à elles-seules à financer le développement des startups technologiques.

Que la trésorerie allait redevenir un avantage compétitif. Quand l’accès au financement se fait plus rare, le fait d’en disposer devient un avantage compétitif. Avoir une trésorerie significative, ce qui est le cas pour Collective,  permet de ne pas prendre des décisions uniquement tactiques, avec un impact court-terme. Cela permet aussi d’être plus sélectif dans ses recrutements, et d’être moins contraint par le temps dans les décisions structurantes.

Qu’il fallait pouvoir s’attendre à tout, y compris au pire. “Plan for the worst” : c’est en ce sens que YC s’est adressé aux entreprises de son réseau. Dans l’incertitude, il devient important de construire des scénarios, et ne pas uniquement développer son entreprise comme si tout allait bien fonctionner. Dans son Framework for Navigating Down Markets, le fonds a16z suggère l’élaboration de scénarios best case, base case, worst case.

Comment avons-nous réagi chez Collective ?

Gestion de l’activité. Nous avons repris en détail notre plan de recrutement, de manière à prioriser les embauches ayant un impact significatif sur notre produit et notre activité commerciale (nous avons par exemple repoussé les recrutements sur nos métiers RH). Nous avons également recentré nos dépenses marketing et commerciales sur les canaux éprouvés, que nous maîtrisions bien jusqu’alors (SEO, Website, Content, Partenariat, Direct)

Trésorerie et financement. Nous avons également lancé différentes initiatives dédiées à une augmentation de notre trésorerie et de notre runway, au travers d’initiatives de financement non dilutives (BPI, Banques), d’augmentation de nos revenus (augmentation des paniers moyens) et optimisation de nos dépenses (à commencer par nos salaires en tant que fondateurs), dans la mesure du possible.

Diversification des clients. Dans un contexte où les entreprises digitales (startups, scale-ups) sont particulièrement menacées, nous avons directement cherché à diversifier le profil de nos clients, en retravaillant nos offres et nos canaux d’acquisition afin de réduire notre exposition aux entreprises technologiques, représentant historiquement 70% de notre activité.

Culture d’entreprise. Nous avons choisi d’attirer l’attention des collaborateurs sur l’importance de rester agile dans notre manière de travailler, frugaux dans nos dépenses quotidiennes (consommables au bureau, facture énergétique, remote policy). “Les petits ruisseaux font les grandes rivières” et c’est dans cet esprit que nous avons travaillé à sensibiliser nos équipes, pour développer Collective.

Communication. Nous avons mis aussi un point d’honneur à bien communiquer au sein de l’entreprise, sur le contexte et les choix stratégiques y afférents en cette période troublée. Il nous semblait important de montrer à nos collaborateurs que nous avions anticipé la situation et ne cédions pas à la panique des marchés.

Si la baisse de liquidité lève nécessairement la fin d’une forme d’insouciance dans l’univers des startups, elle nous contraint par la même à hausser notre niveau de jeu et à nous recentrer toujours plus sur l’impact de nos décisions sur le produit, nos clients et  utilisateurs finaux. Alors, si comme dans Koh Lanta, “la sentence est irrévocable” et “il n’en restera qu’un”, tâchons d’arriver sur le banc final !

Jean de Rauglaudre

CEO et Co-fondateur de Collective.work

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